Annick Pizigot, agent de liaison
du B.O.A du Morbihan

Arrêtée le 28 avril 1944

Arrêtée le 28 avril 1944

Annick Pizigot, née le 16 septem­bre 1924 à Locminé, tra­vaillait dans l’hôtel‑restaurant des Voyageurs tenu par ses parents, Albert et Françoise. Le 1 juin 1943, elle devint agent de liaison pour le Bureau des Opérations Aé­riennes du Morbihan, alors dirigé par Julien Le Port, dit le Coureur, et ef­fectuait notamment des transports d’armes. De plus, l’établissement de ses parents servait souvent de lieu de rendez‑vous pour les Résistants. Ainsi, le vendredi 31 mars 1944, l’état‑major départemental des F.F.I. s’y était réuni pour établir la coordination des mouvements de Résistance qui avaient décidé de fu­sionner et pour déterminer la façon dont les bataillons en cours de formation rejoindraient leur maquis au jour du débarquement.

Arrêtée avec ses parents, le vendredi 28 avril 1944 – vraisemblablement sur dénonciation – alors qu’elle venait d’acheminer des armes et de soustraire à l’occupant une caisse de munitions, elle est tout d’abord interrogée à Kermaria.

Voici le témoignage de son père, tel que recueilli avant octobre 1944 par le Docteur Devau et rapporté dans son livre Jours d’Epreuves dans le Morbihan, page 59 :

M. et Mme Pizigot n’ont pas été torturés à Kermaria, par contre leur fille a crié (ils l’ont entendue) au courant de l’interrogatoire, accompagné de tortures. Le lendemain matin, tous les trois ont été reconduits à Locminé dans une voiture allemande. Il leur avait été interdit de se parler. Au retour de Kermaria, M.et Mme Pizigot ont été consignés dans leur maison, mais Melle Pizigot fut envoyée en cellule et est restée à Locminé jusqu’au 2 mai. Pendant tout ce temps, elle a été affreusement battue et portait des ecchymoses à la face. Le 2 mai elle a été dirigée sur Vannes. De Vannes, elle aurait été dirigée sur Penthièvre, de Penthièvre à Port Louis et serait partie dans un convoi où se trouvaient 8 femmes.

On l’aurait vue en gare de Bercy, le 8 juillet. Elle aurait quitté le train pour monter dans une voiture allemande avec trois autres personnes. On demande à toutes les personnes qui pourraient donner des renseignements à ce sujet, d’écrire au journal dont l’adresse suit : « Ce Soir » 37 rue du Louvre Paris : Signé Pizigot, son père, Hôtelier à Locminé (Morbihan).

Malgré les tortures, malgré le simulacre d’exécution que ses bourreaux lui firent subir, Annick n’a pas trahi ses camarades. Une infirmière aurait eu pitié d’elle et obtenu que sa condamnation à mort fût commuée en peine de travaux forcés. Annick quitte Port‑Louis le 1er juillet 1944, pour être transportée en région parisienne avec 60 autres résistants, dont 8 morbihannaises (voir le récit de Simone Le Port). Elle fut séparée d’eux au centre de tri de Romainville. De là, le 2 août 1944, elle était déportée vers l’Allemagne (voir Le Livre Mémorial des déportés de France, Tome III, page 377).

Annick était tout d’abord transférée dans di­verses prisons du Reich, celles de Karlsruhe, Lubeck, et enfin celle de Cottbus, lieu de transit avant le transfert vers le KL Ravensbrück.

Annick était affectée au kommando Siemens, unité de production proche du camp, pour laquelle en décembre 1944, six baraques pour loger les déportées avaient été construites, près de hangars de l’usine afin d’éviter les déplacements des déportées entre le camp et les ateliers.

Puis Annick fut transférée à Mauthausen où, le 24 avril 1945, elle était libérée par la Croix Rouge. Très affaiblie, elle fut hospitalisée à Saint Gall, en Suisse où elle mourut des suites d’une hémorragie pulmonaire le 26 novembre 1945. Elle avait 21 ans. Par décret du 6 septembre 1945, la médaille de la Résistance lui a été décernée.

Annick fut torturée dans les geôles de Locminé

Le 15 avril 1944, les Allemands dé­cidaient l’installation, à Locminé, dans l’école publique des filles, d’un détachement du S.D., antenne de la Gestapo, auquel étaient rattachés quelques membres de la Bezen Perrot, aux ordres de Célestin Lainé. ce détachement renforçait celui qui se trouvait déjà dans la ville. En un peu plus de trois mois, quelques 1 100 personnes furent séquestrées dans les geôles emménagées par ces tortionnaires, pen­dant plusieurs jours parfois, et notam­ment du 3 au 10 juillet 1944, 63 hommes, dont 30 étaient de Locminé et 33 de Saint‑Jean‑Brévelay.

Le 16 septembre 1944, le Docteur De­vau se rendait sur place et décrivait comme suit les lieux de tortures (ouvrage déjà cité pages 57- 58), cette description étant corroborée par les divers témoignages recueillis auprès de survivants (pages 59 à 70) et les constatations cliniques du Docteur Nicolas, médecin à Locminé :

Trois pièces servaient de cellules. Basses de plafond, aucune des trois pièces ne présente d’ouverture directe (fenêtre ou lucarne) donnant sur l’extérieur. Elles ne reçoivent aucune lumière du jour. Les portes sont très lourdes, épaisses de 30 cm. et ferment quasi hermétiquement. L’une des portes fait commu­niquer deux de ces pièces. Les deux autres donnant dans un petit couloir. Les trois pièces avaient été aménagées au préalable pour servir à l’installation de frigidaires. Ceci explique l’épaisseur des portes, l’absence de lucarnes ou de fenêtres. Lorsqu’on entre dans ces pièces, on a la sensation de manquer d’air, même sans que les portes soient fermées. On imagine aisément quel supplice cela devait être pour les malheureuses victimes de la Gestapo d’y séjourner pendant sept jours au nombre de soixante‑trois environ, les portes étant closes hermétiquement. Une quatrième pièce, donnant également dans le petit couloir qui donne issue aux trois pièces citées plus haut, servait de chambre de torture.

On y a trouvé lors du départ des Allemands, un petit couteau qui servait à énucléer les yeux de certains malheureux, des triques et des bâtons avec lesquels étaient administrées les bastonnades, un gros câble en acier plié en deux et muni d’une poignée qui servait plus spécialement pour battre les plantes des pieds des interrogés.

Dans un coin de la pièce se trouvait un seau d’eau. Certains détenus furent suspendus par les pieds à un crochet fixé dans le mur et, dans cette position qui faisait affluer le sang vers la tête, on leur faisait plonger cette dernière dans l’eau jusqu’à asphyxie totale. Ranimés à coups de cravache, on reprenait cette torture jusqu’à ce que le sang coule à ces malheureux martyrs par la bouche, par les narines, par les oreilles. Dans un coin de la pièce se trouvait un billot en bois sur lequel cer­tains prisonniers furent couchés à plat ventre pour être battus à coups de matraques plombées jusqu’à ce qu’ils fussent réduits à l’état de loque humaine. Dans un autre coin de la pièce qui reçoit parcimonieusement le jour par une petite fenêtre munie de lattes de bois se trouvait une table et derrière elle une chaise. C’est là que s’assit l’officier allemand présidant les séances d’interrogatoire.

Jours d’Epreuves dans le Morbihan

Je tiens à remercier ici Le Colonel Morice F.F.I, et Le Commandant Guimard F.F.I, de l’appui qu’ils ont bien voulu m’accorder pour me permettre de recueillir et de publier les documents contenus dans ce rapport. Je tiens à exprimer également mes sentiments de confraternelle reconnaissance aux docteurs : Queinnec, chirurgien de la clinique des sœurs Augustines de Malestroit, Blondeau, chirurgien de l’hôpital de Pontivy, Mahéo de Vannes, Nicolas de Locminé, Potié, du Faouët, Pascal de Pluvigner, Reine de Plumelec, Sauvebelle‑Bouchet d’Elven, pour les renseignements précis et les certificats médicaux qu’ils ont bien voulu me communiquer, ainsi que toutes les personnes qui m’ont aidé dans le modeste travail que j’avais entrepris à la mémoire de ceux qui ont souffert et qui sont morts en martyrs, victimes de la barbarie allemande dans le Morbihan.

Paris, le 16 octobre 1944.

Résistances

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